Quelle direction prend l’économie? Avec Benjamin Tal
Une hausse des taux d’intérêt peut-elle lutter contre l’inflation sans porter un coup fatal à l’économie?
Pro-Investisseurs CIBC
09 mai 2024
Lecture de 3 minutes
Nous avons récemment discuté des taux d’intérêt et de l’inflation avec Benjamin Tal, économiste en chef adjoint, Marchés des capitaux CIBC.
Question : Benjamin, les taux d’intérêt augmentent depuis mars 2022. Une période semblable de taux d’intérêt constamment orientés à la hausse n’a-t-elle pas nui à la croissance économique par le passé?
Benjamin Tal : La Réserve fédérale américaine (la Fed) est de plus en plus convaincue qu’un scénario « d’atterrissage en douceur » se profile. Il est rare et difficile d’obtenir un atterrissage en douceur, où l’économie se stabilise sans entrer en récession après une période de resserrement monétaire. Nous pouvons comparer la situation actuelle au seul atterrissage en douceur de l’après-guerre que nous avons connu en 1995, afin d’évaluer les similitudes et les résultats potentiels.
En 1993, l’économie américaine se remettait des crises précédentes, notamment la crise des caisses d’épargne et la récession de 1991. Sur fond de chute du taux de chômage et d’une rapide augmentation de l’utilisation des capacités, la Réserve fédérale a commencé à relever les taux d’intérêt en 1994. Au début de 1995, les taux avaient augmenté de 300 points de base pour atteindre 6,05 %.
Question : En quoi la situation actuelle est-elle semblable à celle de 1995?
Benjamin Tal : Le cycle économique actuel montre de nombreux parallèles avec les événements du milieu des années 1990. Les deux périodes ont été marquées par d’importantes corrections du marché obligataire et des cycles de resserrement de la Réserve fédérale. Dans les années 1990, l’économie a ralenti, mais s’est tenue bien loin d’une contraction. La croissance du PIB réel a atteint un creux de 2,2 % sur 12 mois au quatrième trimestre de 1995. La réaction économique dans le cycle actuel est semblable, mais légèrement plus modérée, même si elle est à peu près la même par habitant. Cela se produit même si la politique de resserrement est plus vigoureuse dans ce cycle.
Question : Alors, pourquoi la politique monétaire est-elle moins efficace maintenant?
Benjamin Tal : L’efficacité de la politique monétaire pour contrôler l’activité économique réelle semble diminuer au fil du temps. Nous pouvons examiner des facteurs comme l’aplatissement de la courbe de Phillips, qui laisse penser que l’activité économique a un effet moins important sur l’inflation. La nécessité réduite de dépenses en immobilisations fondées sur le levier financier des entreprises, en raison de la plus grande dépendance à l’égard du secteur des services et de la fabrication de produits de haute technologie, réduit la sensibilité aux variations des taux d’intérêt. Quant aux ménages, ils sont moins endettés et moins nombreux à détenir des prêts hypothécaires à taux variable.
Question : Y a-t-il d’autres forces qui contribuent à modérer l’inflation?
Benjamin Tal : Une autre similitude entre les deux périodes est la divergence quant à la croissance économique mondiale, l’économie américaine se distinguant par sa robustesse. Cette divergence a entraîné une flambée du dollar américain dans les deux scénarios. Cela freine en contrepartie la croissance mondiale et exerce une pression à la baisse sur les prix des marchandises, qui sont libellés en dollars américains. Ces deux tendances sont anti-inflationnistes.
Question : Une productivité plus élevée peut-elle permettre à la croissance de se poursuivre sans entraîner une hausse de l’inflation?
Benjamin Tal : L’un des principaux résultats de l’atterrissage en douceur de 1995 a été un bond de la productivité à la fin des années 1990, largement attribuable à la révolution de l’Internet. Le cycle actuel montre également des signes prometteurs de croissance de la productivité, puisque la production par travailleur dépasse les taux de croissance observés au cours de la période précédente. Des facteurs comme la relocalisation industrielle, les stocks « au cas où », le resserrement du marché de l’emploi et les coûts liés à l’environnement exercent une pression à la baisse sur les marges bénéficiaires. Cela peut inciter les entreprises à maintenir ou à améliorer leur productivité en remplaçant la main-d’œuvre par du capital. L’intelligence artificielle (IA) est bien placée pour jouer un rôle majeur dans cette transition.
Question : Un dernier mot?
Benjamin Tal : Globalement, la bonne nouvelle, c’est que l’économie américaine montre des signes prometteurs d’un atterrissage en douceur pour la deuxième fois de l’histoire en temps de paix.
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