Psychologie des investisseurs : La recherche de sécurité

Les investisseurs recherchent toujours un équilibre entre le rendement et la sécurité – un équilibre qui peut être difficile à atteindre. Dans cet article, nous discuterons du comportement de recherche de sécurité qu’adoptent les investisseurs. Nous présenterons trois exemples de ce comportement : détenir des liquidités, mettre l’accent sur le rendement et préférer le Canada.

Les liquidités ont prouvé leur solidité ces dernières années, que ce soit lors des ventes massives sur le marché en 2022 ou lors de l’augmentation rapide des taux à court terme. Pourtant, les investisseurs peuvent afficher une attitude ambivalente envers les liquidités, appréciant d’un côté leur disponibilité et leur stabilité, tout en reconnaissant qu’elles sont généralement moins performantes que les actions et les obligations à long terme. Examinons la détention de liquidités du point de vue de la tolérance au risque d’un investisseur : sa capacité, sa volonté et son besoin de prendre des risques. Nous définissons le risque comme la volatilité, soit la mesure dans laquelle les rendements d’un placement diffèrent de leur moyenne.

Capacité de prendre des risques

La capacité à prendre des risques dépend de l’horizon de placement de l’investisseur. Un horizon de placement plus long entraîne normalement la détention d’actions et d’autres placements axés sur la croissance, car il donne au portefeuille le temps de se remettre des pertes. À l’opposé, un horizon de placement plus court entraîne normalement la détention de liquidités et d’autres placements à faible risque pour maintenir un niveau stable de capital pour les dépenses. Dans certains cas, les portefeuilles peuvent ressembler à un casse-tête, où il semble que l’investisseur ait un horizon de placement à long terme, mais qu’il conserve néanmoins d’importantes liquidités. Par exemple, un investisseur de 60 ans pourrait commencer à réduire l’exposition au risque de son portefeuille à l’approche de sa retraite à 65 ans, en se concentrant sur ses besoins de dépenses au cours des cinq prochaines années plutôt que sur la constitution d’un patrimoine pour une période potentiellement beaucoup plus longue à la retraite. L’accent mis sur le court terme pourrait faire en sorte que l’investisseur détienne d’importantes liquidités.

Volonté de prendre des risques

Même si un investisseur a un horizon de placement à long terme et qu’il est en mesure de prendre des risques, cela ne signifie pas qu’il est enclin à le faire. Avoir la volonté de prendre des risques, c’est « avoir les reins assez solides » pour accepter les fluctuations des marchés, y compris les pertes imprévues ou prolongées. Après le krach boursier de 2008-2009, par exemple, certains investisseurs ont été tellement secoués par les événements de la crise financière mondiale qu’ils ont conservé leurs liquidités pendant des années, attendant que la poussière se dissipe avant de revenir sur le marché. Cet effet a été encore plus prononcé après le krach de 1929, à la suite duquel une génération d’investisseurs nord-américains s’est tenu en retrait du marché boursier jusqu’aux années 1950, voire plus longtemps. L’effondrement des cours peut représenter une bonne occasion.

Besoin de prendre des risques

Les investisseurs peuvent sous-estimer leur besoin de prendre des risques, estimant que les liquidités procurent un niveau sûr de pouvoir d’achat. Sur la période de 2000 à 2023, par exemple, le rendement annualisé des bons du Trésor canadiens à trois mois, un bon indicateur de liquidités, a été de 1,99 %. En revanche, l’inflation annoncée était de 2,22 % sur une base annualisée, tandis que l’inflation implicite – soit la croissance de la masse monétaire supérieure à la croissance de l’économie – était de 3,02 % sur une base annualisée1. Les liquidités ont perdu en pouvoir d’achat puisque leurs rendements se sont montrés inférieurs au taux d’inflation. Si les investisseurs ne perçoivent pas pleinement le risque lié à la perte du pouvoir d’achat du dollar actuel au fil du temps, ils pourraient être à l’aise – peut-être trop – de détenir d’importantes liquidités.

Les investisseurs peuvent aussi rechercher la sécurité en mettant l’accent sur le rendement, soit les dividendes qu’ils reçoivent grâce à leurs placements en actions. Soyons clairs : les dividendes ont leurs mérites. Par le passé, les dividendes ont représenté une part importante du rendement à long terme des marchés boursiers nord-américains, alors que les actions donnant droit à des dividendes constituent une partie importante du portefeuille de nombreux investisseurs. Ce que nous entendons par « mettre l’accent sur le rendement », c’est lorsqu’un investisseur accorde tant d’importance au revenu tiré des dividendes qu’il néglige la croissance du capital. Voyons pourquoi cette situation pourrait se produire.

Stabilité des sociétés versant des dividendes

Les sociétés versant des dividendes, qui proviennent souvent de secteurs bien établis ou réglementés, sont généralement plus stables et solides que les sociétés axées sur la croissance qui ne versent pas de dividendes ou qui versent des dividendes relativement faibles. Les investisseurs peuvent considérer que les sociétés versant des dividendes ont résisté à l’épreuve du temps, s’ils ont été en mesure de verser des dividendes aux actionnaires pendant plusieurs décennies. La discipline liée au versement régulier de dividendes peut amener la direction à se concentrer sur l’exploitation d’une entreprise de base, plutôt que sur la croissance continue ou la construction d’un empire.

Pourtant, la stabilité des sociétés versant des dividendes comprend également des risques. Lorsque les sociétés versent la majeure partie de leurs bénéfices sous forme de dividendes, cela peut indiquer qu’elles ne voient pas d’occasions de croissance au-delà du coût du capital ou qu’elles n’y accordent pas la priorité, et qu’il apparaît alors logique de verser les bénéfices aux actionnaires. Un portefeuille fortement pondéré en sociétés versant des dividendes pourrait indiquer que l’investisseur a une préférence pour une croissance stable et le statu quo, et qu’il s’attend à ce que le rendement passé se poursuive à l’avenir. Cette préférence implique le risque que l’investisseur rate les changements dans la technologie ou dans les comportements de consommation qui peuvent perturber ou élargir la structure des marchés. Par exemple, recevoir des dividendes d’un grand magasin aurait pu sembler prudent jusqu’à ce que le magasinage en ligne fasse son apparition. Cette approche est extrêmement stable… jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus.

Le rendement comme système de récompenses

Le rendement agit comme un système de récompenses. Il produit un effet psychologique qui peut renforcer la tendance au statu quo d’un portefeuille fortement axé sur les dividendes. Comparons les deux composantes du rendement total des actionnaires : les gains en capital et les dividendes. Les gains en capital peuvent être sporadiques et imprévisibles, tandis que les dividendes sont souvent le contraire2. Alors que la valeur de marché des placements en actions peut fluctuer fortement, le taux de rendement procure une assurance constante, une « dopamine » découlant des dividendes qui fait en sorte que les investisseurs en veulent plus. Le système de récompenses peut devenir plus puissant au fil du temps. Pourquoi prendre des risques avec d’autres entreprises alors que je reçois tout cet argent maintenant? Les flux constants de revenus provenant d’un portefeuille fortement axé sur les dividendes peuvent garder les investisseurs concentrés sur le statu quo et détourner leur attention des sociétés novatrices et des marchés en croissance rapide.

Les avantages d’investir au Canada

Le fait de mettre l’accent sur le rendement est l’une des raisons qui peuvent alimenter une préférence pour le marché intérieur, c’est-à-dire une préférence pour les placements dans des actions canadiennes. Il peut s’agir d’une autre façon de rechercher la sécurité. Le marché boursier canadien est reconnu pour ses rendements en dividendes intéressants provenant des services bancaires, des pipelines, des télécommunications et des services publics, entre autres. La structure réglementaire de nombreux secteurs au Canada, ainsi que la grande taille du pays et les coûts de distribution, peuvent rendre difficile la perturbation de certains secteurs. Ces aspects renforcent le sentiment de sécurité autour des investissements au Canada. Sans aucun doute, les Canadiens ont de nombreuses autres raisons d’investir au pays, notamment la confiance dans l’économie, le système politique et la règle de droit. En contraste, les placements en actions étrangères présentent un certain nombre de défis, notamment le manque de connaissance des marchés et sociétés, l’exposition aux devises et la conversion des devises, ainsi que le coût et le moment des opérations de négociation, en particulier pour les actions individuelles. Tous ces facteurs peuvent rendre les actions canadiennes plus attrayantes³.

Les risques d’investir au Canada

Pourtant, les portefeuilles fortement axés sur les placements canadiens comportent aussi des risques. Le Canada représente environ 3 % du marché boursier mondial. Par rapport à ce dernier, le Canada est nettement surpondéré en services financiers, en énergie et en matières premières, tandis qu’il est nettement sous-pondéré en technologie, en soins de santé et en biens de consommation discrétionnaire. L’économie du Canada est fortement liée au commerce mondial et sa devise a des tendances cycliques. Par conséquent, il serait difficile de trouver un investisseur américain, japonais ou suisse qui affecterait de 50 % à 60 % de son portefeuille d’actions au Canada. Pourtant, une telle répartition est assez courante pour les investisseurs canadiens4. Un portefeuille considérablement surpondéré dans un seul pays ou dans quelques secteurs a tendance à être moins performant qu’un portefeuille mondial diversifié, et comprend potentiellement plus de risque pour un niveau de rendement donné.

La détention de liquidités, l’accent sur le rendement et la préférence pour le Canada font partie intégrante de nombreux portefeuilles canadiens. Toutefois, s’ils sont démesurés, les comportements de recherche de sécurité peuvent entraver l’efficacité des portefeuilles sur les plans de la diversification et du potentiel de croissance.

• Les liquidités peuvent aider les investisseurs à répondre à leurs besoins à court terme et à réduire la volatilité de leur portefeuille. Les investisseurs peuvent évaluer leur capacité, leur volonté et leur besoin de prendre des risques pour déterminer s’ils détiennent une quantité adéquate de liquidités en vue d’atteindre leurs objectifs de placement.
• Mettre l’accent sur le rendement peut procurer un revenu régulier au sein d’un portefeuille. Les investisseurs peuvent se demander si la stabilité perçue des sociétés versant des dividendes ou le système de récompenses lié à l’obtention de dividendes peut avoir une incidence sur leur combinaison d’actions de revenu et de croissance.
• Préférer le Canada est un instinct naturel pour de nombreux Canadiens. Les investisseurs peuvent tenir compte des avantages et des risques des placements à l’échelle nationale pour déterminer s’ils ont une pondération appropriée du marché boursier canadien par rapport au marché boursier mondial.